Le lait
Je n’ai jamais compris à quelle heure ni dans quel magasin on peut trouver du lait. Une seule chose est sûre, s’il n’y a pas de queue, il n’y a pas de lait. Les soviétiques ont d’ailleurs une façon révélatrice de poser la question. Ils ne disent pas:
» y a-t-il du lait ? »
mais « Il n’y a pas de lait? »
et l’employée répond « Il n’y en a pas »
Donc, quand j’ai trouvé un magasin avec une queue pour du lait, deux cas se présentent:
-Quand mon tour arrive, il reste du lait ou pas.
-Dans le deuxième cas, je pars ailleurs recommencer une queue.
-S’il reste du lait, encore deux cas:
-Ou la bouteille est fêlée et le lait coule dans mon sac et … Voir plus haut !
-Ou j’arrive à la maison avec ma bouteille et fais bouillir le lait, et la encore deux cas:
-Il tourne…et..]e descends…etc.etc.
-II ne tourne pas… hourra !
Tranquille pour deux jours!
Les glaces
Les Soviétiques raffolent des glaces. Ils en mangent quelle que soit la température, peut-être plus I’hiver encore. Elles sont vendues surtout dehors. L’employée (tablier, manchettes, coiffe, blancs comme toujours) prend les glaces dans un coffre isotherme a roulettes et devant elle… une queue!
Il n’existe qu’un seul parfum: crème-vanille. Dans les grandes villes touristiques, on risque de trouver « chocolat ».
Pourquoi en effet, chercher a fabriquer une autre variété que « vanille » puisque la concurrence est inexistante…et la demande très forte !
Nourritures terrestres… encore !
Les premiers temps, je cours les magasins pour acheter à manger. Pour le moment, j en suis aux probabilités:
-le beurre, c’est vers neuf heures qu ‘on a le plus de chance d’en trouver.
-le vin après onze heures…avec queue, bien sûr.
-le pain aujourd’hui: niet.
-la lessive, le papier hygiénique et ‘eau de javel ont disparu du quartier.
Chère société de consommation , comme je te regrette !
Gaston Lagaffe
Outre ses talents de bricoleur, Gaston Lagaffe est aussi doué pour la cuisine: il mangera facilement des sardines a la crème anglaise. Il m’est arrivé d’être obligée de me nourrir selon le style de Gaston Lagaffe: au petit déjeuner un pain rond bien doré… fourré de choux et de riz… arrosé de crème chantilly aigre !
Les crabes
De temps en temps nos estomacs ont des surprises divines: par exemple du crabe du Kamtchaka, énorme, succulent, à deux roubles le kilo (vingt francs). Toutes les poissonneries en proposent. Nous nous en gavons. Comme les denrées apparaissent et disparaissent sans raison, nous en faisons des provisions monstres. Où les mettre ? Les réfrigérateurs sont un peu petits; on les a stockés dehors sur les balcons, par moins 15°C ou moins 20°C. La résidence est ainsi décorée de guirlandes de crabes à tous les étages.
Les pissenlits
Une fois par mois, nous faisons une promenade hors d’Oufa, autorisée, encadrée, avec un but déclaré. Au printemps les spécialistes et leur famille partent ramasser des pissenlits, pour une salade monstre préparée et mangée ensemble.
Pendant que je cueille mes pieds avec un couteau, un paysan vient nous porter quelques pommes de terre. Ce geste nous touche beaucoup: il croit que nous sommes très pauvres et que nous n’avons rien d’autre à manger.
Laitages
Il existe (et on en trouve… parfois) une grande variété de produits laitiers: fromage blanc, yaourts aux goûts très divers, crème fraîche de toutes sortes; certains ont du lait de jument – bizarre – Par contre, nous n’avons trouvé que deux sortes de fromage, I’un genre Bombel, l’autre pareil mais fumé.
Les morilles
Au printemps et à l’automne, les paysans viennent vendre des champignons: des girolles, des pleurotes et des monceaux de morilles (pas de cèpes) – à deux roubles le kilo. Les Soviétiques n’en consomment pratiquement pas; le rapport prix sur valeur nutritive na leur convient pas. J’en ai acheté comme jamais en France. Je les a faits sécher sur des journaux partout dans l’appartement. J’en ai parfumé des plats pendant des mois: le grand luxe !
Écrevisses rouges et marché noir
On nous a raconté – nous l’avons observé de loin, mais nous ne l’avons jamais fait ! – que l’alcool se vend dans les coffres de voitures.
Nous avons par contre acheté des écrevisses splendides… dans une cabine téléphonique ! Le vendeur nous a expliqué qu’il les péchait en tenue de plongée sous-marine dans les rivières de l’Oural. Les Soviétiques ont beaucoup d’humour; il n’est pas impossible que ce soit un gag pour les étrangers !
En tout cas, les écrevisses étaient réelles et partagées entre les membres de la « Nomenklatura Française ».
Trop belles tomates
Les réalisations économiques de la Bachkirie sont mises en valeur dans des pavillons plus modestes qu’à Moscou – mais aussi moins fatigant à visiter ! Nous nous promenons dans les allées où sont exposés des meubles fabriqués par l’usine Tartampiof, des maquettes d’isbas, des vêtements, des jouets etc.
Et au détour d’une salle, voici les produits agricoles: des sacs ouverts contenant du blé, du maïs, de l’orge, des paniers plein de concombres (banal) et …oh, surprise!… de très belles tomates, rouges, rondes, parfaites, appétissantes. Depuis six mois nous avions oublié l’aspect normal d’une tomate. Nous salivons d’admiration devant. Nous essayons de les acheter: elles ne sont pas en vente (pour nous!).
Une Française, invitée chez une Bachkire, après avoir dégusté un vacherin, aurait recueilli la déclaration suivante.
« On trouve de tout à Oufa, mais pas pour tout le monde ! »
Gastronome
Pour apprendre le russe, il faut commencer par connaitre les lettres cyrilliques; ce que j’ai fait. En me promenant j’épelle. J’al l’impression d’avoir six ans et d’être revenue au cours préparatoire !
Parfois au milieu d’un amas mystérieux, apparaît un mot que je comprends, par exemple « gastronome ». C’est ainsi qu’en URSS est désignée une épicerie. Ce sont plutôt des « supérettes » de quartier. Quelle qu’en soit la traduction, cela na pas d’importance… elles sont pratiquement vides… nous les appelons…
« Gastronome…en culotte courte » !
On a envie de lire la suite!