La douane est une rude épreuve pour le voyageur, particulièrement arrivant en Russie. Voici ce que raconte Jacques Boucher de Perthes venu à Saint-Petersbourg pour le couronnement d’Alexandre II en 1856.

« La voie devenue libre, je m’orientais pour gagner un hôtel, où je croyais aller tout droit, car nous avions été visités et interrogés a Cronstadt, quand un douanier m’arrête et m’invite à me rendre à la douane qu’il m’indique en face. Je cherche un commissionnaire pour porter mon bagage. Il n’y en a pas. Cependant le douanier m’enjoint de vider la place: je lui dis que je ne demande pas mieux, s’il veut m’aider. C’était au-dessous de sa dignité. Il fallait pourtant m’exécuter ; j’attachai mon sac de nuit à ma valise, moi-même m’attelant à celle-ci je traîne vaillamment le tout après moi. Telle fut mon entrée peu triomphale dans ce paradis du Nord »

« ..Je me croyais quitte de la douane, car j’avais payé en entrant, puis en sortant, mais un troisième collecteur accourt et me fait payer la visite qu’il n’a pas faite. »

Léon Renouard de Bussière en 1829 se plaignait déjà:

« Mais hélas! la douane et la police étaient là, qui avaient envahi notre bâtiment, qui nous en interdisaient la sortie et qui bientôt nous eurent distraits de ce premier enthousiasme. Combinez ensemble l’humeur soupçonneuse, inquiète, tracassière de toute une brigade de douaniers français ou autrichiens, tirez-en la quintessence, et vous n’aurez pas de quoi tourmenter un pauvre voyageur aussi bien que le fait à lui seul un douanier russe. Tous nos effets furent déballés pièce par pièce: on alla jusqu’à déployer notre linge; nous avions peu de livres avec nous, et Certes il était facile de voir qu’ils étaient notre usage; on nous en confisqua néanmoins une partie, par mesure provisoire, pour les soumettre à la censure, et si par hasard on nous les rend, nous serons obligés de payer des droits d’entrée a tant la livre de papier et de reliure. Vint le tour de la police: c’était pis encore… »

Et voici nos premiers contacts avec Moscou:

La police

– Nous arrivons à Moscou, en voyage organisé, avec de joyeux lurons du Sud-Ouest, devisant haut et gaiement à la sortie de l’avion. Le long des couloirs tous les dix mètres, un policier, grand, très blême, regarde droit devant lui, immobile… petit à petit les conversations s’éteignent et c’est une troupe impressionnée qui pénètre au contrôle. Un policier vous dévisage, vous pose des questions – la première fois ça frappe! Mon amie est ainsi restée 20 minutes examinée par les yeux bleus d’un douanier… dur!

La douane

– Nous venons d’assister au mariage de ma fille Sandrine. Au passage, à Paris, celle-ci nous donne environ cinquante photos de la cérémonie que nous jetons en vrac dans un sac.
A Moscou, la queue à la douane. Mon mari se met en tête, moi à la fin, pour éviter les vols. Nous alignons nos sacs, cantines, valises.
– 1ère valise: du linge. Tout est sorti, les poches retournées.
– puis une cantine contenant des aliments lyophilisés, en sachets transparents: des soupes, du persil, des poireaux, de la tomate (qui fera des sauces extra)etc. Le douanier prend cela pour de la drogue, fait venir une personne spécialisée; elle crève quelques sachets, les sent, les goûte – bon, ce n’est pas de la drogue!
– cantine suivante: des médicaments, tous vérifiés avec les ordonnances.
– valise avec des films vidéo: il faut en faire la liste avec le titre, le réalisateur, les acteurs (… j’exagère peut-être un peu…) On les laisse à Moscou, ils seront visionnés, on nous les renvoie un mois après ( je suppose qu’ils sont copiés, puis vendus au marché noir).
Il reste encore huit valises ou sacs, nous nous apprêtons (ainsi que les gens qui sont derrière nous!) à passer la nuit là.
Le douanier ouvre le sac où sont les photos du mariage de Sandrine et se met à les vérifier une à une ( les photos pornos sont interdites).
Mon mari qui est resté calme et gai, se met à lui dire en pointant sur les photos:
– ça, c’est ma fille.
– ça, c’est ma femme, la dame qui est là-bas. Elle a un drôle de chapeau.

hein?

– ça, c’est moi, j’ai un beau costume, n’est-ce pas ?
Quelques mots de russe assaisonnés de mimiques marrantes. Le douanier éclate de rire… et nous laisse passer!

Cheremetievo

A l’aéroport international de Moscou, les porteurs sont invisibles et les chariots très peu nombreux; en plus quand un passager s’est servi d’un chariot, il le laisse dehors et personne ne le ramène. Alors on traîne son bagage sur le beau marbre. Mon mari a ainsi à son actif deux belles rainures faites par une lourde cantine, sous l’œil indifférent des douaniers et des policiers.

De l’aéroport Cheremetievo à l’hôtel Ostankino

Mon mari et un collègue arrivent par avion de Paris. Ils transportent une multitude de valises, caisses, etc. Pour aller à Moscou, un minibus est indispensable; l’interprète Tania n’en trouve pas – pas de taxis non plus, les conducteurs ne veulent pas charger les grosses cantines.
Finalement Tania s’approche, confuse : »j’ai trouvé un bus, mais c’est au noir..? » Il est tard, il fait froid, pas d’autres solutions en vue, mon mari accepte.
Voilà tous les bagages montés dans l’autobus avec les deux spécialistes et l’interprète.
Au premier carrefour, le chauffeur éteint la lumière intérieure et dit à ses passagers de se baisser….?… et cela se renouvelle plusieurs fois.
C’est un chauffeur de bus de ligne régulière se faisant un peu d’argent de poche!!
Vous imaginez le « 83 » chargeant en douce des clients à Roissy !

Premiers jours à Moscou

Nous avons pris contact avec l’URSS par un circuit dans le Caucase, organisé depuis la France. Notre statut est alors celui de touristes. Puis de retour à Moscou, un dimanche, nos compagnons s’envolent vers Paris, nous laissant dans le hall de l’hôtel Cosmos, les clefs des chambres rendues. Nous devenons femmes de spécialistes et nous ne pouvons maintenant voyager qu’accompagnées d’une interprète d’Oufa qui doit venir nous chercher.
A midi, personne. Un peu inquiètes, nous décidons de téléphoner à Oufa, de l’hôtel. Pas possible: pour téléphoner il faut donner le numéro de chambre… que nous n avons plus! Logiquement, alors, nous demandons une chambre.
– Bien, vos passeports et visas ?
– Plus de visa: nous ne sommes plus touristes! et pas encore reconnues comme femmes de spécialistes, puisque l’interprète munie de nos nouveaux Visas n’est pas là!
– Pas de visa, pas de chambre!
Dehors il fait moins 10°C. Je prends l’affaire en riant et fais remarquer à l’employée que nous ne pouvons coucher à la belle étoile.
Cette situation dépasse l’employée. Elle en appelle une autre. Nous recommençons à raconter notre histoire. Deuxième employée dépassée, œil vague, etc. La quatrième nous dit:
– Vous reprenez votre ancienne chambre,on ne vous inscrit pas, on ne vous connaît pas, et demain, dès la première heure vous achetez un visa de « touriste libre ».
Le lendemain, lundi, nous avons pu téléphoner au bureau du correspondant moscovite, retrouver l’interprète. Celle-ci était bien là depuis samedi, mais elle ignorait ou nous étions… Les grands hôtels pour étrangers à Moscou ne sont qu’une douzaine!
Dans un pays si strict, si surveillé, si administratif, nous avons donc passé notre première journée et notre première nuit sans visa.

Accueil de l’équipe de démarrage

Quand l’équipe de démarrage – si attendue par les Bachkirs! – est arrivée, grossie de quelques autres spécialistes en vacances en France, les places n’étaient plus assez nombreuses dans un seul avion! Il a fallu organiser trois voyages Moscou-Oufa.

Un premier groupe est arrivé sur le site le jeudi matin à 7 heures, après avoir raté une correspondance a 23 heures ( et donc être reste un certain temps sur les sièges si confortables de la salle de transit de Moscou!)
Le deuxième groupe parti à 5h le jeudi matin, s’est retrouvé vers midi à Oufa… sans bagages!
Le troisième groupe a atterri à 20h30 avec tous les bagages.

Le deuxième groupe doit alors retourner à l’aéroport pour reconnaître ses cantines. L’aéroport est situé à une dizaine de kilomètres d’Oufa, il faut une autorisation pour y aller et être accompagné d’un interprète.
Là, problème: le chauffeur de l’autobus ne veut plus travailler après 19 heures. On le comprend, il a commencé à 4 heures! Mais comme chauffeur et bus vont ensemble, il faut trouver un autre bus. Après des difficultés sans nom, un chauffeur, et son minibus, accepte d’aller à l’aéroport. Il faut un camion pour les bagages. L’usine en fournit un… qui se perd! Finalement, les voyageurs et leur interprète prennent un autobus de ligne et tous se retrouvent au bon moment à l’aéroport..grâce au retard de l’avion. Ils restent plantés un moment sans moyens de retour. Par chance, le camion perdu arrive, il est chargé, il repart déposer les bagages dans les deux résidences.
Enfin quand tous les Français sont réunis dans un hôtel…il est trop tard, le restaurant est fermé et chacun va se coucher le ventre vide!

Les Bachkirs – plus difficilement sans doute que les Russes – sauront-ils surmonter leur méfiance traditionnelle vis à vis de l’étranger?

Démoliront-ils ce « socle »?