La queue pour la soupe vite faite
Une queue énorme fait le tour du pâté de maison, des gens sur quatre files, pour acheter quoi: des soupes vite faites en sachet!! Le temps passé à faire la queue, pour les dernières personnes aurait largement suffi à préparer une soupe!!
Est-ce la curiosité pour un produit nouveau, Ou bien achète-t-on parce qu « on en trouve » ?
Les pommes de terre
Le premier dimanche à Oufa, nous espérons acheter des pommes de terre:
-Soit au marché d’état, couvert, des pommes de terre gelées, pourries à 0,3 rouble le kilo.
-Soit aux paysans, en plein air, avec une queue par moins 15°C, pour des pommes de terre qui semblent correctes, à 2 roubles le kilo.
La queue est courte: une dizaine de personnes nous choisissons donc rester dehors.
Hélas, nous ignorons le système des queues soviétiques. La personne nouvellement arrivée peut taper sur l’épaule du dernier de la file et lui dire « je suis derrière vous, je reviens plus tard » et petit à petit, quand c’est leur tour les gens se remettent dans la queue puis choisissent leurs pommes de terre une à une; cela nous fait d’abord bien rire…
Nous en avons besoin d’un demi-kilo. Au fur et à mesure que les gens reviennent et que nous n’avançons pas, le poids de notre achat augmente!
Nous faisons deux heures de queue dans le froid: éh bien, à la fin, nous choisissons, comme tout le monde nos pommes de terre une à une et nous en achetons 5 kilos… il faut bien amortir notre attente!!
Queue (bis)
L’employée, toque, protège-manches, tablier blancs ne vend que des concombres; une longue queue se déroule devant elle. À 10 heures, devant tout le monde, elle s’arrête, se fait du thé, le déguste tranquillement avec des biscuits.
Pas une critique, pas une protestation.
Queue (ter)
Vers 16 heures, ayant faim, nous entrons dans une pâtisserie. Une seule vendeuse, qui ne s’occupe pas de nous. Nous attendons sagement devant les gâteaux désirés. Des gens s’accumulent derrière nous. Maintenant quatre ou cinq employées traficotent dans le magasin.
Arrive une Soviétique, bien habillée, col et toque de fourrure, très décidée. Apparemment elle engueule les vendeuses, passe devant tout le monde, achète des biscuits. Personne ne bronche. Nous, si, très fort. Elle a l’air très étonnée.
Un beau poulet
Un matin, j’aperçois dehors ce que j’appelle une « queue ruban » car elle ressemble par sa longueur et son mouvement aux rubans utilisés par les gymnastes féminines. Devant une épicerie en plein froid, une grosse employée, manchettes, tablier, bonnet, le tout blancs, vend des poulets gelés, maigres, tavelés de bleu… miteux!
Ils ne me font pas envie.
J’entre dans le magasin et voit alors des poulets plus gros, pas beaux mais corrects. La queue n’est que d’une dizaine de personnes. Avec ma mentalité de « capitaliste », je pense: je vais le payer plus cher, mais tant pis!
Je me mets derrière la petite queue. Quelqu’un me tape sur l’épaule, me parle en russe et me montre une carte. Je comprends vaguement que je ne peux rien acheter ici, car je n’ai pas la carte que la personne me montre.
Très naturellement, les interprètes nous expliquent ensuite que certains produits (les meilleurs!) ne peuvent être achetés qu’avec la carte du parti communiste.
À l’époque, en France, c’est la cohabitation. J’imagine un même magasin français vendant de beaux poulets sur présentation de la carte du RPR et des poulets aux hormones au reste de la population… Chirac est renversé immédiatement !!!
Queue (encore!)
Les Français se déplacent en ville en groupe. Avec la barrière de la langue, toutes activités intellectuelles, culturelles, même le cinéma, sont exclus.
Alors, nous traînons dans les magasins, examinant la moindre nouveauté sous toutes les coutures. Pour cela, nous sommes donc alignés, quatre, cinq ou six le long du comptoir… et aussitôt quelques Soviétiques se mettent derrière nous !…si des fois quelque chose de valable se présentait !
Queues pour le plaisir
Je finis par me demander si les habitants ne font pas la queue par sport, par plaisir, pour bavarder avec des gens! Je comprends qu’on attende pour obtenir des concombres 10 kopecks de moins; or ce matin, une trentaine de personnes attendent pour acheter des œillets ! Bien sûr, en France, j’ai déjà patienté pour avoir du pain le dimanche ou pour des places de cinéma; il y a du monde mais le débit est rapide, alors qu’à Oufa les employées sont lentes et les acheteurs méfiants, ce qui n’accélère pas la vente.
Hier au moins vingt-cinq femmes attendaient debout pour se faire shampooiner par seulement deux coiffeuses, et il était déjà 16h… à quelle heure sont-elles sorties! Or le lendemain, les salons de coiffure sont ouverts et vides
… ?
Inutile de faire un long commentaire sur ces queues, les soviétiques ne sont pas prêts d’en voir le bout.